M. DUMAINE, Ambassadeur de France à Vienne, à M. René VIVIANI, Président du Conseil,Ministre des Affaires étrangères. Vienne, le 15 juillet 1914 Certains organes de la presse viennoise, discutant l'organisation militaire de la France et de la Russie, présentent ces deux pays comme hors d'état de dire leur mot dans les affaires européennes, ce qui assurerait à la monarchie dualiste, soutenue par l'Allemagne, d'appréciables facilités pour soumettre la Serbie au régime qu'il plairait de lui imposer. La Militärische Rundschau l'avoue sans ambage. « L'instant nous est encore favorable. Si nous ne nous décidons pas à la guerre, celle que nous devrons faire dans deux ou trois ans au plus tard s'engagera dans des circonstances beaucoup moins propices. Actuellement, c'est à nous qu'appartient l'initiative : la Russie n'est pas prête, les facteurs moraux et le bon droit sont pour nous, de même que la force. Puisqu'un jour nous devrons accepter la lutte, provoquons-la tout de suite. Notre prestige, notre situation de grande Puissance, notre honneur sont en question : plus encore, car vraisemblablement il s'agirait de notre existence, d'être ou ne pas être, ce qui réellement est aujourd'hui la grande affaire. » En renchérissant sur elle-même, la Neue Freie Presse de ce jour s'en prend au Comte Tisza de la modération de son second discours, où il a dit : «nos relations avec la Serbie auraient toutefois besoin d'être clarifiées». Ces mots provoquent son indignation. Pour elle, l'apaisement, la sécurité ne peuvent résulter que d'une guerre au couteau contre le panserbisme, et c'est au nom de l'humanité qu'elle réclame l'extermination de la maudite race serbe. DUMAINE.