M. Jules CAMBON, Ambassadeur de France à Berlin, à M. BIENVENU-MARTIN, Ministre des Affaires étrangères Berlin, le 21 juillet 1914. Il me revient que le représentant de la Serbie à Berlin aurait fait hier une démarche à la Wilhelmstrasse pour dire que son Gouvernement était prêt à accueillir la requête de l'Autriche motivée par l'attentat de Sarajevo, pourvu qu'elle ne demandât que des concours judiciaires en vue de la répression et de la prévention des attentats politiques, mais il aurait été chargé de prévenir le Gouvernement allemand qu'il serait dangereux de chercher par cette enquête à porter atteinte au prestige de la Serbie. Confidentiellement, je puis dire également à Votre Excellence que le Chargé d'affaires de Russie, à l'audience diplomatique d'aujourd'hui, a parlé de cette question à M. de Jagow. Il lui a dit qu'il supposait que le Gouvernement allemand connaissait actuellement très bien la Note préparée par l'Autriche et était par suite à même de donner l'assurance que les difficultés austro-serbes seraient localisées. Le Secrétaire d' État a protesté qu'il ignorait absolument le contenu de cette Note et s'est exprimé de même avec moi. Je n'ai pu que m'étonner d'une déclaration aussi peu conforme à ce que les circonstances conduisent à penser. Il m'a été assuré d'ailleurs que, dès maintenant, les avis préliminaires de mobilisation qui doivent mettre l'Allemagne dans une sorte de « garde à vous » pendant les époques de tension, ont été adressés ici aux classes qui doivent les recevoir en pareil cas. C'est là une mesure à laquelle les Allemands, étant donné leurs habitudes, peuvent recourir sans s'exposer à des indiscrétions et sans émouvoir la population. Elle ne revêt pas un caractère sensationnel, et n'est pas forcément suivie de mobilisation effective ainsi que nous l'avons déjà vu, mais elle n'en est pas moins significative. Jules CAMBON.