Genealogie des LANDOUAR

Visite de Guillaume RIHOUAY à son frère Jean Baptiste LANDOUAR en 1931

A l’occasion du service anniversaire de ma sœur, il y a 3 mois, en 1931, je suis allé au pays natal passer quelques jours. Comme toujours, je fis une visite au cousin LANDOUAR, ancien médecin principal de la Marine, frère aîné de l’ami dont il sera parlé plus loin. Le pauvre homme ne jouit guère de sa retraite. Depuis plus de 10 ans, il ne quitte le lit que pour la chaise roulante. Cependant, il ne se plaint jamais ; il est toujours gai, a l’esprit très alerte ; il aime la causerie qu’il sait rendre très intéressante.
C’est au cours de notre commérage (comme l’appelle sa femme) qu’il m’apprit la fin très édifiante de son frère, qui fut jusque 16 ans mon ami inséparable. On nous appelait les frères siamois. Après notre première communion, mon ami Auguste fut envoyé au Petit Séminaire de Tréguier et moi au Collège laïque de Lannion. La séparation fut cruelle et nos rares sous allèrent tous en timbres de 0,25 de l’époque. Je me rappelle toujours avoir été félicité par mon professeur pour avoir employé dans ma narration cette phrase d’une de ses lettres : « Plus La séparation est longue, plus la joie est grande lorsque l’on se revoit ». Nous attendions toujours les vacances avec une impatience fiévreuse. C’est au cours ces dernières que nous primes l’engagement ci-après :
« Celui qui mourra le premier veillera sur l’autre et l’empêchera de le rejoindre aussi longtemps qu’il ne sera pas en état de grâce ».
Après avoir fait de très bonnes études à Tréguier, il demanda à entrer dans les ordres et fut envoyé à Jersey et je ne le revis plus.
Notre conversation roula ensuite sur ce lointain passé. J’appris alors qu’il s’était fait Jésuite, qu’il fut envoyé en Chine, qu’il s’y conduisit en héros et qu’il y mourut en Saint. Il s’était embarqué au Havre en 1881. En se rendant à bord, il rencontra un compatriote qu’il accosta pour le prier de me remettre un mauvais petit couteau en souvenir de Lui. Le compatriote le trouva de trop peu de valeur et je ne l’eus jamais.
Toutes ces réminiscences ne laissèrent pas que de m’émouvoir, mais ce fut bien autre chose quand j’eus pris connaissance d’une longue lettre d’un autre père jésuite qui l’avait assisté dans ses derniers moments. Cette missive se terminait ainsi : « Pour moi, votre fils est un Saint et je l’ai invoqué comme tel en lui demandant une faveur que j’ai obtenue dans le mois ».
J’ai demandé à emporter cette bonne lettre et, l’ayant relue plusieurs fois chez moi, j’ai pris la résolution de me démontrer que, durant ma longue carrière il m’a sauvé au moins trois fois et la première fois d’une chute honteuse pour moi et ma famille. Et moi, m’écriai-je, je ne lui ai jamais rien demandé et cependant je me rends compte (maintenant) qu’il n’a jamais cessé de veiller sur moi et qu’il m’a réservé, là-haut, une petite place à son ombre.
Voir " Morceaux choisis " d' Yves Ollivier publié en 2006.